
Entretien avec Alexandre Marcel (Papa Plume) pour la sortie de son nouveau livre
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Dans son nouveau roman, Le fil de nos vies, Alexandre Marcel, connu aussi sous le nom de Papa Plume, explore la trajectoire d'un jeune garçon, Léo, qui quitte son village provençal pour réaliser son rêve dans le monde de la mode. Un roman tendre, pudique et puissant, traversé par des thèmes intimes : la maladie, l'identité, les relations parentales, les silences et les luttes intérieures. Entretien avec un auteur qui écrit l'intime avec beaucoup de justesse.
Sommaire
« À l'origine, je voulais parler du cancer de ma mère. C'est un sujet qui me touche depuis longtemps, mais que je n'avais jamais osé aborder frontalement. Je voulais montrer cette maladie à travers les yeux d'un fils. Léo est né de là. Et je l’ai placé dans un milieu que je connais bien, la mode, où j’ai travaillé un temps. Je voulais aussi l'ancrer dans un décor que j’aime : le sud de la France. C'est là qu'il puise ses racines, c'est ce qu'il veut dépasser sans jamais renier. »
« Ma mère, c'est une figure essentielle dans ma vie. J'avais envie d'écrire sur ce lien-là, que je n'avais pas encore exploré jusqu'ici. Je voulais une mère qui nous touche, qui ait du caractère et surtout, une foi inébranlable en son fils. Quand Léo est petit, c'est elle qui le protège, qui le rassure. Et quand elle tombe malade, c'est lui qui fait tout pour la soutenir. Les rôles s'inversent. C’est une relation qui évolue, qui s'adapte, comme beaucoup de liens puissants. »
« Car j'ai moi-même cette sensibilité ! Je me déguisais beaucoup avec ma sœur, et aujourd’hui mon fils de 3 ans adore également mettre les robes de sa sœur. C'est encore assez mal accepté par la société, alors que personnellement je ne vois pas où est le mal. Il faut accueillir la sensibilité de chaque enfant, les laisser jouer et expérimenter. En l'occurence chez Léo, c'est ce qui nourri sa fibre artistique. »
« Oui, clairement. Le père de Léo représente cette figure virile, un peu fermée, avec une sensibilité étouffée. Dans les premières versions, il était encore plus dur, mais j'ai voulu en faire un personnage plus nuancé, auquel on peut aussi s'attacher.Il a du mal à gérer ses émotions, comme beaucoup d'hommes. Il attend de son fils qu’il aime le foot, qu’il ne pleure pas, qu'il cache sa créativité. Mais peu à peu, sa carapace se fissure. Ce sont des relations complexes qu'on retrouve dans beaucoup de foyers. »
« Ce passage est inspiré d'expériences personnelles. J’ai fait un stage dans une maison de couture et une agence de mannequins. Quelques années plus tard, j'ai appris que le directeur avait été accusé de faits graves. Dans ce milieu, derrière les paillettes, il y a parfois des abus. J’ai voulu parler de cette réalité, de cette violence. Aujourd'hui, la parole se libère. Avant, tout était étouffé. Il faut le dire, même à travers la fiction. »
« C'est vrai. Je pense que, consciemment ou pas, notre vie influence inévitablement ce qu'on écrit. Je suis père, alors forcément, ça colore mes personnages, même quand je me place du point de vue du fils. Mais ce que je veux surtout, c'est mettre en lumière des personnages nuancés et transmettre des messages qui me tiennent à cœur. »
« J'ai commencé à écrire il y a plus de dix ans. Mes premiers romans dorment dans un tiroir. Plus j'écris, plus je vais vers des choses simples, profondes. Avant, je voulais des intrigues complexes. Aujourd'hui, je préfère me concentrer sur un personnage et creuser, extraire sa moelle. Une citation qui m'inspire beaucoup, c'est celle de Pierre-François-Pascal Guerlain : "Faites de bons produits, ne trichez jamais sur la qualité, ayez des idées simples et appliquez-les scrupuleusement." Pour moi, c'est pareil en littérature. Un bon livre pour moi, c'est un livre qui laisse une trace quand on le referme : une larme, un pincement, u manque, une colère… »
« Oui. Lucie, la mère de Léo, et Manon, sont trois piliers dans sa vie. Sans elles, il ne serait pas allé si loin. J'avais envie de parler de ces femmes de l'ombre sans qui des hommes comme Victor Hugo ou Mozart n'auraient peut-être jamais accompli ce qu’ils ont fait. Mais au fond, ce sont des femmes de lumière. Peut-être qu'un jour, j’écrirai un roman entièrement centré sur une héroïne. »
Le fil de nos vies, Alexandre Marcel, paru le 24 avril 2025, Editions Michel Lafon.