Vivre un post-partum en douceur : les conseils de Marion Joseph
Entre fatigue, émotions intenses et nouvelles habitudes, le post-partum est une période aussi belle que bouleversante. Pourquoi est-il encore tabou ? Comment récupérer physiquement et gérer la fatigue ? Marion Joseph, journaliste, créatrice du blog Parlons Maman et co-autrice de "Un post-partum en douceur", nous éclaire sur cette étape charnière et partage ses précieux conseils, inspirés du modèle néerlandais.

Le post-partum : ce qu’on ne nous dit pas
Pourquoi le post-partum est-il encore un sujet tabou ?
Le post-partum a longtemps été idéalisé. On parlait de la maternité comme d’un rêve, où l’arrivée d’un bébé tant désiré remplissait immédiatement les parents de bonheur. Mais la réalité est bien plus complexe. Pendant longtemps, les femmes n’ont pas raconté ce qui pouvait être difficile dans cette période. Ce n’est que depuis trois ou quatre ans que l’on commence à en parler plus ouvertement. Pourtant, après l’accouchement, il se passe tellement de choses. On sort d’un suivi médical très encadré avec des rendez-vous réguliers, des échographies, une préparation à l’accouchement, et puis, du jour au lendemain, on se retrouve livrée à soi-même. C’est comme si tout s’arrêtait brutalement. La réalité, c’est que tout commence à ce moment-là. Une nouvelle vie démarre, un monde inconnu s’ouvre, et il est essentiel de savoir ce qui peut arriver pour mieux s’y préparer.
Quelles sont les idées reçues les plus courantes sur cette période ?
On imagine souvent que cette période est forcément heureuse, que tout va bien se passer, que c’est instinctif. Mais ce n’est pas toujours le cas. Certaines femmes ont besoin de temps pour créer du lien avec leur bébé. Elles ne ressentent pas forcément un amour immédiat et intense, et ce n’est pas grave. Parfois, cela prend des semaines, voire des mois, et il faut déculpabiliser. On croit aussi que l’allaitement est une évidence, que c’est naturel donc facile, alors qu’en réalité, ce n’est naturellement pas simple. C’est un apprentissage, et comme tout apprentissage, cela nécessite du temps.
Le modèle néerlandais : une source d’inspiration
Tu as écrit ton livre avec Delphine Petit-Postma, une kraamzorg. Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ce métier ?
Aux Pays-Bas, les jeunes mamans bénéficient de l’accompagnement d’une kraamzorg, un métier qui n’existe qu’à cet endroit. C’est une professionnelle diplômée qui se situe entre la sage-femme et la puéricultrice. Elle ne pratique pas les accouchements, mais elle prend en charge la mère et l’enfant après la naissance. Elle veille sur la cicatrisation, la rétraction de l’utérus, l’allaitement, et s’assure que tout se passe bien, en lien avec la sage-femme et le gynécologue. Mais son rôle ne s’arrête pas là : elle accompagne aussi la famille, elle est là pour épauler le co-parent, les aînés, pour gérer le quotidien. Elle prépare des repas, fait des lessives, aide à organiser la maison. C’est un soutien global, physique et émotionnel. Pendant huit jours, elle est présente plusieurs heures par jour, elle conseille, elle rassure, elle prend soin du bébé pendant que les parents se reposent. Elle devient un repère, une confidente. Elle aborde aussi avec les parents des sujets essentiels comme l'alimentation, le portage, les pleurs, le syndrome du bébé secoué, le sommeil de bébé... C’est une sorte de Mary Poppins de la maternité, mais avec une vraie expertise médicale, et c’est entièrement pris en charge par le système de santé.
En quoi le modèle néerlandais est-il différent de celui que l’on connaît en France ?
En France, on est loin de cette prise en charge ! À la maternité, on apprend les premiers gestes, mais une fois rentrées chez soi, on se retrouve souvent seules. Les sages-femmes peuvent venir une ou deux fois, ce qui est précieux, mais cela reste insuffisant. Il y a bien des doulas, mais leur accompagnement n’a pas d’aspect médical et leur service est payant, donc pas accessible à tout le monde. Aux Pays-Bas, tout se fait à la maison, et c’est bien plus naturel. Ici, on doit vite se débrouiller, alors qu’on aurait besoin d’être entourée et accompagnée plus longtemps. Car comme le dit la sage-femme Anna Roy, le post-partum dure 3 ans !
Prendre soin de soi après l’accouchement
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes mamans pour récupérer physiquement ?
Le premier, c’est de se reposer. Il faudrait idéalement rester allongée un maximum, surtout pendant les premières semaines. C'est ce que l'on appelle le mois d'or. Un mois pour récupérer en douceur. C’est pour cela qu’il est essentiel d’anticiper et de prévoir un réseau d’aide. Qui pourra venir nous soutenir après la naissance ? Comment organiser des relais ? Il faut créer une bulle autour de soi, avec le co-parent, la famille, les amis, voire des voisins qui peuvent donner un coup de main.
L'alimentation joue aussi un rôle clé dans la récupération. Manger chaud aide le corps à se remettre : bouillons d’os, poissons gras, viandes rouges, œufs, yaourts grecs, porridge… Dans le livre, on propose plusieurs recettes élaborées avec une nutritionniste. Préparer des plats à l’avance et les congeler peut aussi être une bonne solution pour éviter de cuisiner après la naissance. Et surtout, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide. Mettre un enfant au monde, c’est un véritable exploit physique. Il est normal d’avoir besoin de soutien.
La fatigue est un des plus grands défis du post-partum. Comment la gérer ?
Elle est inévitable, il faut en être consciente. Cependant, même quand on allaite, le co-parent peut prendre le relais sur certaines tâches : bercer le bébé, changer la couche, aider à l’endormissement. Certains couples choisissent de se relayer sur la première et la deuxième partie de la nuit. Ce qui compte, c’est de trouver son rythme et de s’écouter. Et quand bébé dort, il faut essayer de se reposer aussi, même si ce n’est pas toujours facile. Les nuits hachées sont éprouvantes, mais il faut garder à l’esprit que tout passe, que peu à peu, le sommeil revient. Si la fatigue devient trop pesante, si elle dure plusieurs mois, il ne faut pas hésiter à consulter une consultante en sommeil pour trouver des solutions adaptées.
Trouver du soutien et s’écouter
Quel rôle joue l’entourage dans un post-partum plus serein ?
Il est essentiel. Il peut être un soutien moral, un confident, mais aussi une aide concrète. Une maman qui vient d’accoucher a besoin qu’on prenne soin d’elle. Préparer un repas, faire quelques courses, proposer de garder le bébé pour qu’elle puisse dormir, ce sont des gestes simples qui peuvent tout changer.
Quels sont les signes pour repérer une maman qui a besoin d’aide ? À qui peut-elle s’adresser ?
Une fatigue extrême, une mère qui n’arrive pas à lâcher prise, une hypervigilance maternelle. Le baby blues est normal au troisième et quatrième jour, mais s’il dure plusieurs semaines, cela peut être une dépression du post-partum. Il ne faut pas hésiter à en parler à une sage-femme, un gynécologue, un médecin généraliste ou un pédiatre, qui pourront orienter vers un thérapeute. Il vaut mieux sur-réagir que laisser la situation s'aggraver. Et si vous vous sentez vraiment isolée pendant cette période, il faut essayer de voir d’autres mamans, d'aller au parc ou de se rendre dans des cafés poussettes par exemple.
Si tu avais un seul conseil à adresser aux futures mamans pour vivre un post-partum plus doux, ce serait lequel ?
Il est essentiel de bien s'y préparer avant l'accouchement. Informez-vous au maximum en lisant des livres, en écoutant des podcasts, et en posant toutes vos questions à votre sage-femme, notamment lors des séances de préparation à la naissance. Il est également important de s'informer en couple afin que les deux partenaires sachent à quoi s'attendre. En effet, sans préparation, le post-partum peut être difficile. Il est crucial de savoir comment prendre soin de soi en cas de déchirure, d'hémorroïdes, ou de cicatrice de césarienne. Renseignez-vous sur tous les scénarios possibles pour savoir comment réagir et quoi faire. Une bonne préparation rendra cette période plus facile et plus douce, car vous ne serez pas prise au dépourvu.
Avant l'accouchement, préparez également une liste de professionnels de santé à contacter en cas de besoin, comme une consultante en lactation, une sage-femme pour le suivi post-partum. Prenez aussi rendez-vous avec le pédiatre pour la première visité de bébé. Repérez également des doulas qui pourraient vous être utiles selon les différents scénarios. Soyez prête à faire face à toutes les situations.
On entend souvent des récits négatifs sur le post-partum, mais en se préparant en amont, on peut vivre cette période de manière beaucoup plus sereine. Dans la majorité des cas, le post-partum peut être extrêmement doux et merveilleux. Plus vous serez préparée, plus vous pourrez profiter de ce moment unique de rencontre avec votre bébé. Ne vous laissez pas effrayer, car cette période est un moment unique et magique de découverte et de connexion avec votre nouveau-né.
Pour en savoir plus : "Un post-partum en douceur – le modèle néerlandais des kraamzorg", de Marion Joseph et Delphine Petit Postma, toujours disponible en librairie et en ligne.
Retrouvez également Marion sur son blog Parlons Maman.